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Les déclarations du général Aussaresses


Paul Aussaresses : "Je me suis résolu à la torture... J'ai moi-même procédé à des exécutions sommaires... Si c'était à refaire, je le referais"

Paul Aussaresses, 82 ans, général du cadre de réserve. En 1957, commandant, coordinateur des services de renseignement à Alger. Ses déclarations au journal "Le Monde", 23 novembre 2000, rapportées par Florence Beaugé / EXTRAITS

Sauvages
Cette photo, prise par un appelé français a été remise aux autorités algériennes après l'indépendance de l'Algérie. Elle a été publiée la première fois dans le livre "Les Egorgeurs" de Benoît Rey, aux éditions Marinoor.


[La figure du général Aussaresses apparaît dans de nombreux récits parus ces dernières années. Dans La Guerre d'Algérie , Yves Courrières le présente sous l'appellation "commandant O". Pierre Vidal-Naquet, dans La Torture dans la République, parle de lui comme étant le chef de file "de ce qu'il faut bien appeler une équipe de tueurs professionnels" et souligne que son nom "ne figurera guère que dans un seul dossier publié, celui de l'affaire Audin.". Dans Les Centurions , de Jean Lartéguy, le général Aussaresses est présenté sous le nom de Boisfeuras. Il est enfin "le barbu" dans le roman de Robert Escarpit, Meurtre dans le pignadar .]

Le général Paul Aussaresses évoque d'abord, dans l'entretien au "Monde", le "système" mis alors en place par le général Massu : avoir un officier de liaison avec les services de police et la justice.

"Je suis arrivé à Alger début 1957, à la demande du général Massu qui, à la tête de la 10e division parachutiste, venait de se voir confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger. Son second, le colonel Yves Godard, ne voulait pas de cette action policière. "Ce n'est pas pour nous", disait-il. Alors Massu avait décidé d'appeler deux types qu'il estimait sûrs et sur lesquels il pourrait s'appuyer : le lieutenant-colonel Trinquier et moi. J'avais reçu une mission précise : travailler avec la police d'Alger - dont Paul Teitgen était alors secrétaire général à la préfecture - et les officiers de renseignement, ainsi que le juge Bérard, conseiller juridique de Massu. Au début, nous n'avons eu aucun problème avec Teitgen. Ce n'est que plus tard qu'il a commencé à montrer des réticences à coopérer avec les paras. [.]

"Livrer ces hommes à la justice ? C'était hors de question"

"Tous les matins, avec Trinquier, je faisais mon rapport à Massu et lui racontais ce qui s'était passé la nuit précédente. Pour qu'on s'en souvienne, nous consignions tout dans un gros cahier manifold. Il y avait quatre pages pour chaque jour : une pour Massu, une pour Salan [commandant en chef des forces armées en Algérie], une pour Lacoste, [ministre résident en Algérie] et enfin une pour moi.

"Parfois, je disais à Massu : "On a ramassé untel" et je le regardais dans les yeux avant d'ajouter : "On le tuera demain." Massu poussait un grognement, et je prenais cela pour un oui. "Une nuit, je m'en souviens, Bigeard m'a dit-: "J'ai capturé le groupe terroriste de Notre-Dame-d'Afrique, une bande de tueurs dont je ne sais pas quoi faire. Est-ce que vous pouvez demander à Massu son avis ?" Que pouvait-on faire ? Livrer ces hommes à la justice ? C'était hors de question, nous avions autre chose à faire que d'examiner les situations particulières de certains individus dans le cadre de la légalité... Trinquier et moi, on va alors chez Massu, et Trinquier lui suggère : "Tu ne crois pas qu'on devrait les envoyer dans le maquis (autrement dit les flinguer) ?" Massu a répondu : "Un maquis éloigné!" [.].

Il juge comme correspondant "à peu près à la réalité" l'affirmation de Paul Teitgen [qui quitta ses fonctions le 12 septembre 1957 pour protester contre la torture] selon laquelle "3.024 des personnes" assignées à résidence "avaient disparu". Il indique également que Robert Lacoste, alors ministre-résident en Algérie, "était parfaitement au courant. Il lisait tous les jours les comptes rendus du cahier manifold", ajoute le général Aussaresses.

Interrogé sur le fait de savoir si "la torture était indispensable", il répond :

"La torture ne m'a jamais fait plaisir mais je m'y suis résolu quand je suis arrivé à Alger. A l'époque, elle était déjà généralisée. Si c'était à refaire, ça m'emmerderait, mais je referais la même chose car je ne crois pas qu'on puisse faire autrement. Pourtant, j'ai le plus souvent obtenu des résultats considérables sans la moindre torture, simplement par le renseignement et la dénonciation. Je dirais même que mes coups les plus réussis, ça a été sans donner une paire de gifles. [.].

"Cela ne me faisait pas plaisir"

"Personnellement, je n'ai jamais torturé, et pourtant, je n'ai pas les mains propres. Il m'est arrivé de capturer des types haut placés au sein du FLN et de me dire : "Celui-là est dangereux pour nous, il faut le tuer" et je l'ai fait, ou je l'ai fait faire, ce qui revient au même.

"Ce qu'il faut que vous compreniez, car c'est essentiel, c'est que cela ne me faisait pas plaisir. Et si j'ai moi-même procédé à des exécutions sommaires - "J'en ai tué 24", précise-t-il -, c'est que je voulais assumer ce genre de choses, [et non] pas mouiller quelqu'un d'autre à ma place. C'est d'ailleurs pourquoi je ne veux pas accuser le pouvoir civil de l'époque. Affirmer qu'il nous donnait des ordres dans ce domaine serait faux et, surtout, s'abriter derrière, cela reviendrait à dire que les militaires se déchargent de leurs responsabilités. En mon nom personnel - mais je n'engage que moi -, je refuse cette attitude".

En conclusion, le général Aussaresses se dit "contre" toute "repentance", qu'elle vienne de l'Etat français ou qu'elle émane des individus qui, comme lui, pourraient être concernés : "On n'a pas à se repentir. Qu'on reconnaisse des faits précis et ponctuels, oui, mais en prenant garde à ne pas généraliser. Pour ma part, je ne me repens pas".

[Propos recueillis par Florence Beaugé, "Le Monde", 23 novembre 2000.]

 
 
 
 
 
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