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40 ans après - L'éxigence de justice

Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, est-il encore possible de juger les militaires qui se sont rendus coupables d'actes de torture ? Les "aveux" du général Paul Aussaresses, militaire et agent secret chargé entre 1955 et 1957 à Alger des pires besognes, publiés, début mai 2001, en France, sous le titre : "Services spéciaux, Algérie 1955-1957", sont accablants.

Ces aveux, ainsi que le témoignage de Louisette Ighilahriz, militante du Front de libération national (FLN algérien), torturée en 1957 à Alger, et les déclarations contradictoires des généraux Massu et Bigeard [publiés en juin et novembre 2000 dans le quotidien "Le Monde"], relancent le débat sur la responsabilité de l'Etat français dans les pratiques de torture durant la guerre d'Algérie.

Les faits - tortures, exécutions sommaires et massacres de civils - peuvent-ils échapper à toute poursuite pénale ?

Plusieurs obstacles majeurs s'opposent au déclenchement de poursuites judiciaires.

1. L'amnistie. Le Parlement français a adopté, le 31 juillet 1968, une loi portant amnistie de l'ensemble des crimes commis pendant la guerre d'Algérie. "Sont amnistiés de plein droit toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie, dispose l'article 1 de la loi. Sont réputées commises en relation avec la guerre d'Algérie toutes infractions commises par des militaires servant en Algérie."

La loi de 1968 confirmait deux décrets datant du 22 mars 1962, le premier portant sur l'"amnistie des infractions commises au titre de l'insurrection algérienne", le second sur l'"amnistie de faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne".

Cette loi, qui permet cependant aux victimes de demander réparation au civil, ne peut, en principe, conduire au dépôt d'une plainte pénale. Cette interprétation est aujourd'hui contestée par certains juristes, dont l'avocat William Bourdon. "La question d'application de cette loi d'amnistie n'a jamais été posée à aucune juridiction pour le cas de la guerre d'Algérie, explique-t-il. On peut cependant dire qu'elle s'oppose aux principes du droit international selon lesquels l'amnistie ne peut être accordée aux auteurs de violations des droits de l'homme les plus graves tant que les victimes n'ont pas obtenu justice par une voie de recours efficace".

Pour William Bourdon, un juge saisi d'une plainte pourrait décider d'instruire, malgré la loi d'amnistie, laissant à la cour d'appel, puis à la Cour de cassation, le soin de décider si la plainte est recevable.

2. Les crimes de guerre. Les faits décrits par le général Aussaresses - tortures, exécutions sommaires, massacres de civils - sont touchés par la prescription en matière de crime /(les crimes sont prescrits dix ans après les faits).

3. Les crimes contre l'humanité. Les faits relèvent-ils de la notion de crime contre l'humanité, qui échappe à toute prescription ? Les faits ayant été commis entre 1954 et 1962, c'est à dire entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l'entrée en vigueur du nouveau code pénal français [en 1994], "il existe incontestablement un vide juridique, ni les règles jurisprudentielles tirées du droit de Nuremberg, ni les dispositions nouvelles ne leur étant applicables" [Françis le Gunehec et Frédéric Desportes, "Le Nouveau droit pénal", éditions Economica, Paris].

Deux cas de figures s'offrent aux juristes :

on se réfère à l'ancienne notion de crime contre l'humanité. La Cour de cassation a estimé, au fil sa jurisprudence, que la notion de crime contre l'humanité, qui s'appuie sur le statut du tribunal de Nuremberg de 1945, ne peut s'appliquer qu'aux crimes commis lors de la Seconde Guerre mondiale "pour le compte d'un pays européen de l'Axe". Pour la Cour, cette notion de crime contre l'humanité, qui n'est ni générale ni intemporelle, ne peut concerner d'autres conflits comme la guerre d'Indochine (arrêt de 1993) ou, on peut le prévoir, la guerre d'Algérie;

on se réfère au génocide et aux "autres crimes contre l'humanité" définis par le nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994. L'article 212-2 du nouveau code stipule que "la déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité". Cette définition pourrait, bien sûr, s'appliquer aux crimes commis pendant la guerre d'Algérie, mais la loi ne permet les poursuites pénales que pour des crimes commis après 1994.

Peut-on juger les tortionnaires ?

"Les procès sont impossibles", assure Robert Badinter, ancien ministre, dans "Le Nouvel Observateur" [14-20 décembre 2000]. Des poursuites sont encore possibles, réplique Monique Chemillier-Gendreau, spécialiste du droit international, dans "Le Monde diplomatique" [Janvier 2001].

Robert Badinter, ancien ministre

"S'agissant des crimes commis pendant la guerre d'Algérie, la voie de la justice s'avère barrée. A la suite des accords d'Evian, en 1962, deux décrets d'amnistie intervinrent. Et, comme pour s'assurer que les crimes de l'époque demeureraient pour toujours impunis, la loi d'amnistie générale du 31 juillet 1968 a précisé à nouveau : "Sont amnistiés de plein droit toutes les infractions commises en relation avec les événements d'Algérie, toutes les infractions commises par des militaires servant en Algérie". On ne saurait être plus clair.

"Quant au concept de crime contre l'humanité, inscrit dans le statut de Nuremberg relatif aux poursuites contre les criminels nazis, la cour de cassation a jugé qu'il ne pouvait être invoqué à propos de faits commis pendant la guerre d'Indochine, a fortiori pendant celle d'Algérie. Et même si, s'agissant d'enlèvements de personnes dont les corps n'ont pas été retrouvés, on peut considérer que la prescription n'est pas acquise, ces crimes n'en sont pas moins amnistiables.

"Devons-nous pour autant vouer au silence et à l'oubli les crimes de l'époque ? L'exigence de vérité demeure, rendue plus forte encore parce que justice ne peut être faite".

Monique Chemillier-Gendreau, professeur à l'université Paris VII-Denis-Diderot

"C'est négliger les possibilités ouvertes par les conventions de Genève du 12 août 1949. La torture y est mentionné parmi les infractions réprimées (article 50 et 51 [I et II], articles 130 [III] et 147 [IV]. La compétence est universelle, tous les Etats parties assumant une obligation de "rechercher les personnes prévenues d'avoir commis ou d'avoir ordonné de commettre l'une ou l'autre de ces infractions graves" et devant les déférer à leurs propres tribunaux (art. 146). Les conventions sont bien antérieures aux faits, la France ayant adhéré en 1951, et aucun délai de prescription n'y est mentionné. Enfin, la condition posée par la chambre criminelle de la Cour de cassation (arrêt Javor du 26 mars 1966), à savoir que les auteurs de crimes se trouvent sur le territoire français, est notoirement remplie.

"Cette procédure est donc possible. Il faut seulement que des juges courageux assument de mettre en uvre l'obligation de juger que le gouvernement français a acceptée en adhérant à ces Conventions et qu'il rechigne à honorer".

 
 
 
 
 
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