Le métier de dinandier use principalement de la feuille de cuivre pour fabriquer différents articles utilitaires ou simplement décoratifs.
Les artisans dinandiers existent en Algérie depuis le moyen-âge. Depuis des centaines d'années on aura vu donc se succéder les styles dans une atmosphère meublée par le bruit des marteaux sur le cuivre mat.
Cependant les produits de dinanderie restaient peu enclins à des choses esthétiques.
La destination à usage domestique prenait le pas sur la beauté intrinsèque des objets.
Les Turcs organisèrent la corporation des dinandiers en lui impulsant un développement remarquable.
Les artisans relevaient donc d'un "amine" (secrétaire) qui était directement placé sous l'autorité du "gaid el-blad" (commissaire de la ville), un haut fonctionnaire proche du Dey. C'est alors que se créèrent des quartiers entiers dédiés à cet artisanat. "ZankatElNhass", quartier grouillant de dinandiers d'où retentissaient les bruits réguliers du marteau sur le métal.
Les casbahs abritaient de belles réalisations d'objets (vases, plateaux, grandes sinias) finement ciselés, des couscoussiers ouvragés à couvercles coniques (populaires jusqu'à nos jours).
Les artisans excellaient aussi dans la fabrication d'aiguières aux cuvettes servant avant et après les repas.
En matière de formes et de décors, la Turquie et la Perse formaient la principale source d'inspiration. Les grands centres étaient Alger. Constantine et Tlemcen.
La technique de fabrication des objets différait selon les besoins.
Alger
Cette ville reste le temple originel de toute la dinanderie héritée des ottomans. le quartier des dinandiers prenait une grande place dans la ville et les produits en cuivre étaient particulièrement convoités par tous les algérois. Ces produits étaient très usités dans la vie de tous les jours par les citadins. et la tradition mêlait intimement ses cérémonies à la vie quotidienne.
Les formes et les décors sont similaires à ceux fabriqués à Constantine, avec une variante supplémentaire pour l'algérois. représentée par le ciselage de bourgeons symétriques. de tulipes et de grenades.
Zenkat Ennahassin (le quartier des dinandiers) n'existe plus à la casbah. seuls quelques artisans téméraires subsistent et font de la réparation et du polissage.
Actuellement la dinanderie est devenue strictement décorative.
Les pièces originales se trouvent collectionnées aux musées d'Alger. Constantine et Tlemcen. Les objets fabriqués à Alger sont les mahbess , les berreds (théières). les tebssi laâchaouets (cousoussiers à couvercle conique). les L'brik et tassa (aiguière et bassine) pour les ablutions, el-mordjen , sorte de seau avec anses qui sert à recueillir l'eau du puits.
El mabrez , mortier lourd destiné à piler et. enfin. la S'nioua qui est un petit plateau pour servir le thé avec anses et pieds.
Constantine
La dinanderie de Constantine brille par des consonances ottomanes dues à la présence de ces derniers dans l'ancienne Cirta.
Cet artisanat continue de se pratiquer au faubourg Emir Abdelkader ou à Sidi Mabrouk. Les dinandiers sont toujours fidèles à leur métier et transmettent spontanément à leurs enfants leur savoir faire.
La ville de Constantine est surtout réputée pour ses plateaux de dimensions diverses à usage décoratif et domestique. les décors sont d'inspiration orientale. on retrouve d'ailleurs des formes déjà observées à la mosquée Aya Sofia de Constantinople (feuilles de cyprès et palmier à deux lobes). On fabrique aussi dans le Constantinois des objets destinés à la toilette comme la "tassa". le "mahbess" et le "mrech".
La tradition veut que chaque nouveau foyer doit posséder des plateaux et d'autres objets en cuivre dont les plus répandus sur Constantine sont: La Kirouana sorte de bassine aux parois légèrement évasées, utilisée pour la toilette.
La Cafatira , aiguière à corps bombé qui sert à verser de l'eau dans la bassine.
Le Mahbess est un récipient de réserve d'eau d'environ trente centimètres de profondeur, évasé à la base (il est utilisé exclusivement à la sortie du hammam).
La Soukria s'apparente à un petit coffret dans lequel on met le sucre.
Le M'rach qu'on utilise dans les fêtes à la réception des invités contient en général de l'eau de fleur d'oranger.
Le m'rach a un corps bombé avec une longue tige creuse ouverte à l'extrémité supérieure.
El-Kattara (égouttoir) est un objet qui sert à produire des parfums de rose et de jasmin: il se compose d'une marmite et d"un égouttoir.
Il est à noter que les vases, les compotiers et les cendriers sont aussi fabriqués à Constantine, cependant leur finition est quelque peu négligée par rapport à ce qui se réalisait dans le passé. les aléas de la commercialité prenant le pas sur tout le reste.
Il n'en demeure pas moins que le métier de dinanderie continue de se maintenir dans l'ancienne Cirta.
Ghardaia
La dinanderie de Ghardaïa se fraye un long chemin dans l'artisanat algérien.
Il faut dire que le M'zab a de tout temps été un centre artisanal très actif, reconnu pour sa main-d'ouvre qualifiée.
Mais la dinanderie reste à vocation utilitaire, ce qui explique le côté humble des productions.
Les produits sont donc des seaux à anses et à base arrondie pour recueillir de l'eau et servant aux ablutions.
Des bouilloires sont utilisées comme théières à base arrondie et galbée dans le corps supérieur qui est garni d'un couvercle.
Les plateaux sont de dimensions réduites sans ornementations.
L'originalité de cette région réside dans une particularité qui, à une époque ancienne, caractérisait la région; les minarets et les cônes des mosquées étaient faits en cuivre avec des ciselures très fines de calligraphies de versets coraniques.
Ces derniers temps une nouvelle industrie du cuivre se développe au m'zab, une industrie centrée sur la droguerie au détriment de la traditionalité.
Tindouf
La dinanderie de Tindouf est à vocation strictement domestique, ce type de dinanderie est épuré, on découvre donc des marmites, théières, passoires, bassines... sans grand apport, dessinées ou sculptées; les dinanderies de Tindouf sont des objets imposants de cuivre rouge, leur particularité est qu'ils sont tous de base arrondie pour permettre une bonne stabilité sur le sable.
On fabrique aussi à Tindouf quelques bijoux en cuivre rouge ou jaune (colliers, bagues, bracelets...)
Tlemcen
Héritage des Almohades. témoignage passionnant du génie artistique de la région, imprégnée d'arts séculaires andalous et orientaux.
Dans un environnement riche en activités, la dinanderie s'est développée à grande échelle étant donné que tous les produits en cuivre trouvent leur destination dans la décoration intérieure. une tradition qui se maintient jusqu'à nos jours.
Les objets fabriqués sont les mêmes qu'à Alger et Constantine, mais la ville de Tlemcen se caractérise par la fabrication de lampadaires , structures en cuivre, carrées et surmontées d'une pyramide agrémentée de vitraux martelés, il existe d'autres formes plus élaborées qui sont dotées d'arabesques au très fin ciselage en lieu et place d'un simple cadre aux arêtes saillantes.
Les lustres sont faits de cuivre avec des arabesques à plusieurs branches terminées à l'extrémité par une cavité circulaire qui sert à recevoir une bougie.
Les supports de livres servent à nos jours d'éléments décoratifs même s'ils ont fait les beaux jours de bien d'érudits Tlemceniens. Ces objets sont en forme de X dont le côté supérieur sert à recevoir un livre sans que le lecteur ne soit obligé de le tenir.
Cet objet est décoré d'arabesques et souvent associé au bois, très répandu dans les mosquées.
Les grands plateaux peuvent mesuré un à deux mètres de diamètre, ils sont souvent posés sur un support de bois et ciselés d'arabesques ou de formes géométriques très riches.
Les grands plateaux servent souvent aux cérémonies.
Il existe aussi un très bel objet fabriqué à Tlemcen qui est le marteau de porte , d'une extrême précision; l'objet rappelle par sa décoration les travaux de broderie et se trouve fixé sur les portes (surtout les anciennes demeures turques).
Pour un voyage dans le passé, la visite à Tlemcen s'impose car cette ville illustre a su se préserver de toute grande vague "modernisatrice".
